Uruguay et Argentine

4 février 2017 by Julian in Journal 0 comments
Uruguay et Argentine

Après  avoir épuisé mes six mois de visa Brésilien, et continuant gentiment notre route, nous voici moi et mes équipiers rendus en Uruguay. Changement de pays, de langue et d’atmosphère immédiate. Aucun doute, le voyage a repris. La découverte de l’Uruguay me plaira beaucoup, c’est un pays méconnu, au mieux connait-on son emblématique ancien président Pepe Mujica, voir sa VW Coccinelle.

Uruguay : éloge de la lenteur

L’Uruguay est une zone de navigation injustement mise de côté; beaucoup de marins se contentent d’une escale à Piriapolis avant de rejoindre directement Mar del Plata. Pourtant il y a plein d’avantages. Les ports sont faciles d’accès et très souvent en centre ville, les amarrages sûrs, et tout est centralisé dans les fichiers de la DNH qui récupère vos données d’un port à l’autre, ce qui évite de tout recommencer à chaque fois. Le climat est excellent, nous avions entre 20 degrés la nuit et 30 voir 35 la journée en décembre, soit au tout début de la saison estivale. Le pays est calme, très calme, les gens ont et prennent le temps, sont incroyablement prévenants et accueillants.

Les escales sont variées. Le nord du pays est bordé de plages plus ou moins rocheuses, collines, dunes venteuses. Première escale à La Paloma, petit village balnéaire où nous irons découvrir les environs en auto-stop dont Cabo Polonio, un village de pêcheurs qui vaut le détour, isolé de la civilisation et transformé en communauté autonome par un groupe hippie, ou Punta del Diablo, un autre village de pêcheurs, plus traditionnel cette fois ci. Ce sont de superbes spots de surf et kite-surf ; les Brésiliens et Argentins font la majorité des touristes. Il y a également nombre de lagunes où voir la faune et la flore locale, et dans les terres, les Gauchos à cheval au milieu de leurs immenses fermes.  On a découvert ici les spécialités du coin, le célèbre Chivito al pan (un hamburger à base de filet de boeuf plutôt que steak haché, du lard, du fromage et un oeuf), les Milanesa, de boeuf ou poulet, pannées et recouvertes de fromage fondu et de sauce tomate pour la version Napolitaine, et les Muzza, des pizzas avec un peu de sauce tomate, d’ail et surtout une quantité impressionnante de mozzarella locale (industrielle mais qui fond subitement bien !). Et bien entendu le Maté, passion partagée avec le Sud du Brésil et l’Argentine, qui consiste à boire une infusion de Yerba Maté dans un pot arrondi en bois ou en céramique entouré de cuir, à travers une bombicha, sorte de paille en métal filtrant les petits morceaux. Les Uruguayens passent la journée entière à boire ce breuvage, en remplissant le pot constamment. Ils se promènent même avec le thermos d’un litre sous le bras en permanence. Tout un spectacle.

Plus au Sud, se trouve Punta del Este, le Saint-Tropez d’Amérique du Sud, nettement plus chic, plus chère aussi, mais où il fait bon se prélasser et retrouver le charme des villes de bord de mer. Plus bas, Piriapolis est l’escale préférée des marins hauturiers car dotée d’un puissant Travel Lift et d’une grande zone à terre pour laisser le bateau en cas de travaux. La ville fût imaginée et créée par un seul homme, Piria, qui avait une haute vision d’urbanisme et probablement également de lui même. Quelques collines environnantes donnent une super vue sur la baie, un château est à visiter, ainsi que l’imposant hôtel, qui a connu ses années de gloire dans les années 20 et 30. Nous ne sommes pas allés en bateau mais en bus à Montevideo ; cependant on nous a conseillé le port Buceo et ses environs. Et puis surtout, nous avons atterri presque par hasard à la fête de la bière à Colonia Suiza ! Une petite ville créée par des colons suisses dans les temps anciens. Ils y ont apporté les coutumes, la musique, une version bien à eux de la choucroute et des saucisses de veau, et bien entendu les drapeaux des cantons ! Le drapeau de la ville est un mélange des drapeaux suisses et Uruguayen, et il fait tout drôle de retrouver un peu de chez soi ici !

Enfin Sacramento, qui est à mon goût la meilleure escale. L’endroit est sublime entre les îles. Le port est très fréquenté par les Argentins qui ont juste à traverser le Rio en une poignée d’heures. Nous sommes restés à la bouée devant le port, bien protégé et directement dans le centre historique avec ses cafés, restaurants, parcs, rues pavées, musique en plein air. C’est un village colonial créé par les Portugais. Je retrouve ici le charme et l’atmosphère des centres historiques du Nordeste du Brésil. Baroque, voir rococo. Depuis Sacramento, on aperçoit au loin la ville de Buenos Aires ; incroyable vision.

Le DNH fournit un guide des ports. Nous n’avons pas eu le temps d’aller explorer ceux nichés dans les rivières, situés entre Montevideo et Sacramento, qui avaient l’air superbes. On nous a également dit possible de remonter le Rio Uruguay, et promis merveilles à la clé. Si je retourne là-bas, à coup sûr, je m’y risquerai !

Cette dernière escale en Uruguay sonnera la fin des « vacances », car une fois du côté Argentin, nous devrons préparer le bateau pour la suite de l’aventure : sortie de l’eau, poncer la coque incrustée de coquillages, remettre 2 voir 3 couches de peinture sous la coque, faire les vidanges, services, petites réparations, acheter le matériel pour la Patagonie : 300 mètres d’amarres, 200L de bidons pour stocker le gasoil supplémentaire, des pare-battages plus gros, de l’isolation pour les hublots, révision des voiles, etc…

Buenos Aires : travaux et paperasse !

Nous passerons trois semaines à Buenos Aires, plus précisément à San Fernando, une banlieue nord de la ville qui donne sur une rivière, remplie de ports, marinas, club privés et l’ensemble des prestataires et magasin nautiques. Nous serons au Yacht Club Argentino, le plus ancien et prestigieux, et ils nous le feront bien savoir ! Par le prix de la place déjà, puis par des interdictions « d’élégance » comme de ne pas pouvoir faire les travaux torse nu par 40 degrés par exemple.

Je ne m’étendrai pas sur la ville de Buenos Aires et ses quartiers, que nous n’avons pas tant visités que ça, les travaux nous prenant tout notre temps et énergie ! Palermo est un petit Brooklyn, bières et burgers artisanaux, coffee shops et hipsters. La Boca, quartier populaire historique sur les docks, complètement refait à neuf, vaut le détour. On s’y sent davantage comme dans un zoo que dans un quartier vivant. C’est dommage. J’aurais beaucoup aimé pouvoir rester plus longtemps et mieux connaitre cette ville qui semble si agréable à vivre.

Pour se remettre des travaux, et pour redémarrer un nouveau visa argentin de 90 jours, nous décidons de retourner à Sacramento, escale que nous avions adorée en Uruguay. Nous y passerons quelques jours au calme (malgré un coup de vent à 50 noeuds au port !) avant de rallier Sacramento, où surprise nous retrouverons Mora Mora, un voilier aluminium construit par un couple de français, que j’avais rencontré à Jacaré au Brésil !

Mar del Plata : préparatifs et… paperasse !

La navigation vers Mar del Plata se passera sans trop de problèmes. Un petit front froid fera soudainement baisser le baromètre (4hpa en 2 heures !) et nous offrira ses rafales à 40 nœuds, ses grains orageux et ses éclairs. En voyant la chute du baromètre et les nuages noirs impressionnants au loin, je décide d’affaler les voiles et d’attendre à la cape à sec de toile. Le coup de vent passera en une heure, puis nous laissera au milieu de calmes interminables.

A Mar del Plata, nous peaufinerons la préparation du bateau et de l’équipement. Nous expérimenterons surtout les joies de la bureaucratie argentine en demandant un permis de navigation pour les Îles Falklands, appelée ici Islas Malvinas. Parceque oui, l’Argentine a essayé d’envahir les Falklands Britanniques en 1982, clamant que ces îles leur appartenaient. Un échec cuisant et des morts leurs resteront en travers la gorge. Pour les générations de la guerre, ce conflit sera tabou et très douloureux. L’Argentine considère donc que malgré la défaite, ces iles font partie de leur territoire. Le temps passé aux Falklands est donc déduit du visa argentin.La Prefectura Naval délivre un permis pour s’y rendre. La croix et la bannière. Nous avions déjà essayé de déposer une demande de permis à San Fernando, mais la mauvaise volonté et la non connaissance réelle de ce permis de la Prefectura locale aura eu raison de nous. Sur internet on parle de démarches interminables et de délai de 40 à 50 jours ! Nous retentons notre chance à Mar del Plata, et Ô miracle, ici tout est simple. Après avoir râlé en rigolant « Mais pourquoi donc vous les Français tenez tant à aller sur ces îles ?! », en nous faisant revenir le lendemain matin « quand l’affluence sera plus calme » (alors que le bureau était vide nous étions les seuls), après nous avoir fait signer un document comme quoi nous nous engageons à ne pas aller aux Falklands (oui, oui vous avez bien lu), nous commençons à remplir notre dossier avec l’Ayudante. Une fois lancée à la tâche, plus rien ne l’arrêtera, elle nous fera même des blagues, demandera qu’on lui envoie une carte postale, nous montrera la photo de sa fille et nous prendra dans les bras pour nous dire au revoir. Selon elle, nous aurons notre permis dans 10 jours seulement. Et en effet, nous l’aurons dans ce délai ! Nous ne savons pas encore si nous nous y rendrons, mais avec ce permis la porte est maintenant ouverte.

Nous resterons deux semaines à Mar del Plata, qui aura été une bonne surprise sur notre route. Je m’attendais à une station balnéaire bétonnée, ce qui est le cas, mais la vie y est très agréable ! Les plages sont belles (tellement venteuses qu’ils ont installé des piscines sur la plage, protégées du vent et des vagues…). Il y a beaucoup de bars et endroits sympas pour manger. Tout comme Buenos Aires, ce sont des villes très occidentales. On y retrouve tous les us et coutumes, codes et infrastructures de la société de consommation actuelle. Ce n’est pas désagréable, car plutôt bien fait, mais que ce soit Paris, Londres, Berlin ou New York, à part le climat plus rien ne change vraiment maintenant. Dommage, à mon goût, cette standardisation urbaine à l’échelle mondiale.

La grande nouveauté dans les navigations actuelles et futures sera la présence remarquée des dépressions. C’est la quête à la fenêtre météo pour ne pas se faire trop bousculer en mer ! De plus les abris sont rares et imposent des navigations de 3 à 4 jours sans toucher terre. Entre les vents contraires et les coups de vents à plus de 40 noeuds, on tarde un peu à pouvoir partir… On décide d’aller à seulement une nuit de navigation dans la ville de Quequen un peu plus bas. Un peu ras le bol de la grande ville et de stagner au même endroit, nous préférerons attendre notre fenêtre météo dans un autre cadre.

Quequén : Parilla et hamac

L’arrivée se fera au petit matin, après une nuit plutôt agitée. Pas tant par le vent, trop faible pour aller à la voile, mais par une mer croisée peu confortable qui m’aura valu mon premier mal de mer avec vomissement ! Il fallait bien une première.

Le changement est radical. Nous arrivons dans un port de commerce, avec d’immenses silos à grains, des épaves de cargo sur les berges. Tout cela à un goût post-apocalyptique assez intéressant. Nous remontons sur 2 milles une rivière peu profonde, slalomant entre les bancs de sables et les épaves (l’un va souvent avec l’autre) et arrivons au Club Nautico Vito Dumas. Un homme du Club nous aidera à prendre nos bouées (une à l’avant et une à l’arrière, pour éviter que le bateau parte dans tous les sens à cause du courant de la rivière) dans son annexe en bois à la rame.

Une fois à terre, nous tombons immédiatement sous le charme de ce petit club pittoresque. Nous allons enfin pouvoir nous la couler douce après un mois et demi de travaux, paperasse, tracasseries et préparation du bateau, à courir dans tous les sens. Parc ombragé, hamac, barbecues géants, four à pain à l’ancienne, les quartiers du Club sont plein de charme : pavillons de voiliers passés ici, vieilles cartes marines, instruments, plans de bateaux, photos du navigateur Argentin Vito Dumas (que je ne connaissais pas). Il a effectué un tour du monde à la voile mémorable sur un tout petit voilier, avec très peu de matériel en très mauvais état, durant la seconde guerre mondiale en restant dans les 40èmes rugissants pour notamment éviter les zones de conflits armés. Nous rencontrons Nestor, qui s’occupe du Club. Il nous explique que c’est le meilleur club du monde, ce que nous découvrirons par la suite être vrai. Un des membres nous emmènera découvrir la côte, les plages et la Préfecture pour les papiers d’entrée.

Le soir, nous faisons une énorme Parilla (barbecue), avec des saucisses, de l’Asado (basse côte de boeuf), et trois côtes de bœuf dont 1 de bien 8cm d’épaisseur. Nous étions deux. Repas mémorable, pommes de terre au feu de bois au beurre ou au pesto, sous les arbres à la tombée du jour.

Le lendemain, nous sommes invités à l’anniversaire de Nestor, et rencontrerons sa famille, ses amis, et quelques membres du club (peut être même tous !). Quelle ambiance chaleureuse ! Nous sommes reçus comme des Rois. Tout le monde nous servait à boire, nous étions une vingtaine de personnes autour d’une immense table en bois rectangulaire, à partager quantité de salades, accompagnements et devinez quoi, une autre Parilla ! Avec cette fois ci des saucisses, filets de boeuf et filet mignon de porc. Un régal. La viande en Argentine est vraiment délicieuse, de part, je pense, le moyen de cuisson (à la plancha sur feu de bois), et aussi la manière de la découper en boucherie : ils laissent beaucoup plus d’os et de gras que chez nous, donnant plus de saveur et de moelleux aux morceaux. Elle est gouteuse et fond dans la bouche…

Il fait beau et chaud, nous passons nos journées (entre 30 et 40 degrés !) à l’ombre dans le parc, à lire, faire la sieste dans le hamac, écouter de la musique. Nous gardons tous un souvenir incroyable de ce séjour au Club. Nous nous sommes sentis chez nous, en famille, entre amis. Sa proximité avec Mar del Plata n’en fait pas une escale très prisée, alors que pourtant l’arrêt mérite le détour ! Ce lieu s’ajoute à la liste interminable des endroits où je pourrais bien rester un an…

Une fenêtre météo semble se dégager. Je suis assez inquiet car la dépression qui doit passer au Nord de notre route grossit de jour en jour dans les prévisions. Malgré cela, la décision est prise, nous tentons notre chance et partons le jour même avec un peu d’appréhension devant les vents annoncés de 30 à 40 noeuds et le souhait que la situation n’empire pas d’ici là. Ces conditions seront une première pour moi, mon équipage et le bateau !

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